Matthieu Chedid, tournée parisienne pour CSP+

Matthieu Chedid poursuit à Paris sa tournée de Myster Mystère. Son nouveau show, enchanteur, accompagne l’album d’un des artistes français les plus populaires de sa génération. Que penser alors de ses dates parisiennes ? Cmignon s’est placé derrière la régie son du Zénith, pour suer un peu, aux sons dézingués, classiques et utopistes du maestro de la scène.

Un putain d’élan (et quoi ?)

La tournée de Matthieu Chedid, comme sa musique et ses concerts traduisent une force, un élan créatif et joyeux. Cet élan, ou ce « putain d’élan » comme je dis pour défriser Emmanuel est le point décisif de ce qui peut nous attirer chez Matthieu Chedid. En effet, si les textes se limitent à êtres « jolis » ou « sympa », et donc ne sont qualifiables que par des mots qui ne veulent pas dire grand chose. Si la musique est somme toute assez classique quoique efficace, c’est bien à travers le prisme de la  joie et du jaillissement musical et lyrique de -M- que l’on peut chercher à en faire l’éloge. Ainsi, dans le genre gentil/sympa/sautillant le tube le plus populaire de -M- « Je Dis Aime ». Doux jeu de mot, sans intérêt, qui donne pourtant une couleur musicale accrocheuse, se déclinant en live par un espace de liberté pour les musiciens chedidiens. Heureusement, notre artiste français préféré sait aussi surprendre, reprenant the Cure (« Close to me« ) ou une chanson de son père, offrant des prestations de grande qualité. À chaque fois, rien de « dingue » donc, de bonnes intentions, de bons musiciens, des jeux de mots pourris mais qui fonctionnent. Heureusement un élan, une envie, une faim de jouer de la musique et de faire plaisir, certes en se faisant plaisir. -M- est ce sacré musicien de généreux à égoïste, on ne sait jamais trop le distinguer.

Un musicien virtuose de haut en bas

-M- s’accompagne bien, tout seul et en groupe, tout seul et avec le public. C’est une bête de scène musicale, un virtuose de la guitare, des effets électriques et du chauffage de salles. Mettez -M- dans n’importe quelle salle de concert, n’importe quel jour et à n’importe quelle saison, vous pouvez vous assurer qu’il saura charmer 99% du public. On pourra alors rétorquer que le public de Matthieu c’est « son » public, rien de bien difficile alors pour lui de prêcher des convaincus. Pourtant, le talent de Chedid est plus vaste que ça, il faut lui octroyer un vrai don pour ce qui est de la générosité sur scène, du fait de son implication en temps, en énergie et en attention. Virtuose de la musique, virtuose de la prose populaire et virtuose de la scène. -M- a vraiment pour plaire cette manière d’être : à la fois expert et accessible, sensible et exigeant, travailleur et détendu. De haut en bas, donc, de la tête aux jambes en passant par le cœur, Matthieu est un artiste incontestable, auteur, compositeur et interprète.


Une production labellisée Monsieur -M-, fleuron sensuel sur scène française

Quel serait le fondement de la popularité d’un artiste sans la qualité de ses performances sur scène ? Cette envie que l’adéquation, entre le talent en studio et le talent sur scène devienne nécessaire, doit attirer notre attention sur une thématique musicale plus vaste. Les maisons de disques semblent avoir trop longtemps ignoré l’importance de l’implication scénique de l’artiste auprès de son public. Bien entendu, l’artiste peut conserver l’image du maudit asocial, qui compose au fond d’une cave, ou l’image de l’artiste incompris qui préfère garder le silence en dehors de ses rares albums. Pourtant, sortons du paradigme ancien, pour qu’un artiste s’en sorte aujourd’hui il ne peut plus négliger son image sur scène et son implication auprès de sa (souvent petite) communauté de fans. C’est ce que -M- a compris dès ses débuts : qu’il lui serait impossible de parier sur sa seule musique pour se faire connaître et apprécier. Ainsi, il a romancé des personnages, il a élaboré des shows comme un public ne les oublie ensuite jamais. Évidemment, ce genre de pratiques ne se prêtent pas à toutes les musiques, ne se destinent pas à tous les artistes et les publics. -M- c’est quand même du consensuel, du familial et du poli, mais on ne peut nier que ça fait bien plaisir de voir une vraie production, complète, graphique, musicale, émouvante, une vraie production labellisée Monsieur -M-.

Un charme entre deux eaux

Mystère et Rose, ce seraient les deux mots pour résumer les deux derniers élans de -M-. Deux mots, deux univers, qui expriment tant les qualités que les défauts d’un artiste. Le Mystère d’abord, d’un homme qui semblerait conquis et plein d’entrain, joyeux sur scène quoiqu’il arrive. Mais Rose, naïf, un peu gamin sur les bords, pour un public qui à chaque concert met de côté ses préjugés pour accueillir un beau moment de fraternité préfabriquée. Comme le remarquait mon frère, il est toujours amusant de voir une ribambelle de petits blancs CSP+ s’exciter sur la chanson « Mama Sam« , fustigeant le mauvais traitement global que l’Occident fait au continent africain. Ce qui me conduit à un goût mitigé et quelque peu amer. Si on peut aimer l’utopisme de -M-, sa générosité franche, on peut prendre ses distances. Ce qu’il faut alors sauver de -M- c’est le travail fourni pour apporter au domaine musical, un peu plus qu’un album produit à la va vite suivi d’une tournée de concerts à la chaîne, mais un spectacle pour petits et grands, pour amateurs comme pour néophytes.


Un regard critique de biais

La conclusion serait ici belle, consensuelle, entre le j’aime -M- sur scène mais je ne suis pas convaincu sur le fond. Pour porter un regard en recul, reconnaissons que -M- s’enlise un peu, ne décolle plus. S’il est un guitariste hors pair par exemple, rien de si nouveau depuis deux ou trois albums, et en live toujours ces longs solos et de par trop… solitaires justement. On attendrait du maestro plus d’innovation, même si les efforts sont apparents. La question la plus cruciale pour conclure sur cette chronique de la tournée parisienne serait celle-ci : Matthieu Chedid est-il en train de vieillir avec son public ? Ne va-t-il pas bientôt lasser les plus mélomanes d’entre nous. A vrai dire depuis le « Blues de Soustons« , plus grand chose pour se raccrocher aux branches. -M- pourrait être en train de passer du chanteur français populaire et exigeant au chanteur français « sympa », un peu comme un vieux pote avec lequel on a plus grand chose à voir. Or être « sympa » c’est n’être rien, gare donc, gare !

3 réponses sur « Matthieu Chedid, tournée parisienne pour CSP+ »

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